Interview: John Duncan
De décembre 2001 à janvier 2002 (Scrutto di San Leonardo, Italie et Stockholm, Suède).

Propos recueillis par Boris Wlassoff

Traduction : Thierry Bokhobza

 

John DUNCAN est peu visible en France et trop souvent réduit à la seule évocation du noise ou de la musique industrielle. Or, s'il est certes l'auteur d'un "Riot" injurieux dont le Japon fit grand cas, ceci rend peu compte de son œuvre depuis 20 ans… Auteur d'une performance historique "Blind date", devenue jalon limite d'un art corporel extrême, musicien du collectif d'improvisateurs déjantés LAFMS, puis fin 70 producteur avec l'artiste Paul Mc Carthy d'une fameuse émission de radio expérimentale, vers 1985, il s'installe au Japon et réalise des vidéos pornographiques novatricespour l'intelligence avec laquelle elles intègrent au genre un contexte social de violence et de désir, vraies racines du pouvoir. Dans cette diversité de moyens d'expression, le son tient une place majeure ; à travers des compositions rêches, sans apprêts décoratifs, ni événement superflus qui rompraient le flux inextinguible des fréquences broyées et broyeuses de traces humaines : voix, râles de baise et sons quotidiens résorbés dans la fission spectrale des trames et des pulsations grossies par une marée électrique d'ondes courtes. Dans les années 90, il se met à concevoir des installations où la lumière et le son au seuil du perceptible, suggèrent une sensation d'errance soustraite d'un temps réifié par le marché. Véritable ère de sevrage ou, à la vacuité bruyante du "show must go on" des masses, se substituent les pénombres de l'intériorité et du questionnement personnel.

 

Ces œuvres complexes traitant du corps comme de la pensée en prise avec l'hostilité de la survie ont toutes un horizon commun : le son, possible paradigme d'une vie moins matérialiste plus proche de la sensation que du sensationnel et opérant telle une purge.

 

Dans l'entretien qui suit, John DUNCAN, à travers nos questions refait son parcours et parle de son travail récent.

 

R&C : Je connais peu ou pas de traces écrites sur ton travail en français donc si tu le veux bien, je propose de commencer par une question sur tes origines et ta formation.

 

John DUNCAN : Je suis né à Wichita, Kansas, fils aîné d'une famille Calviniste pratiquante qui s'est fixée au Texas et au Kansas après avoir immigré d'Ecosse et d'Angleterre vers les Etats-Unis plusieurs générations auparavant. Nous avons déménagé pratiquement tous les ans dans différentes villes du Midwest jusqu'à ce que j'entre au lycée, et sommes alors revenus à Wichita. J'ai étudié la peinture avec Betty Dickerson, qui enseignait la théorie et la psychologie de la couleur, la géométrie consacrée, et m'a donné l'envie de rechercher la beauté dans l'apprentissage, ce qui est devenu fondamental dans tout ce que j'ai fait depuis. J'ai quitté la maison à 19 ans, pour rejoindre CalArts, dans les environs de Los Angeles, sur une suggestion de David Salle. A CalArts, j'ai écouté beaucoup de musique expérimentale, et lu tout ce que j'ai pu trouver sur le Viennese Aktionismus et le théâtre de Jerzy Grotowsky, qui m'a incité à abandonner la peinture pour me concentrer sur les événements et les actions exécutées directement avec un public (que l'on a appelé ensuite "performance"). Après y avoir étudié pendant 18 mois, je suis allé à Los Angeles. J'ai vécu et travaillé là environ 10 ans. La première année j'habitais dans une rue à East Hollywood, en face des studios. Ensuite je suis allé à Pasadena et ai rencontré Barbara Smith, Paul McCarthy et Tom Recchion. Tom m'a initié à tout un éventail sonore, passant patiemment les disques l'un après l'autre, et m'a vraiment ouvert l'esprit sur ce que peut être la musique. Barbara m'a poussé à utiliser l'art pour m'aider à me développer en tant qu'être humain.

 

R&C : Ta rencontre avec Paul Mc Carthy fut parait-il déterminante ? Pouvons-nous savoir en quoi ? Et si vous avez produit ensemble des œuvres, comment se présentaient-elles, sous quelles formes ?

 

John DUNCAN : Paul était un de mes plus proches amis. Nous parlions souvent des heures durant, partageant des idées sur des projets et des plans, à propos de ce que nous pensions qu'était l'art et ce qu'il pourrait être, de la manière dont la pression du monde de l'art pour produire des œuvres vendeuses introduit de fausses valeurs dans le travail et distord les plus importantes qualités intrinsèques de l'art, de sa détermination personnelle à produire un art qui ne peut ni se vendre ni s'acheter. Souvent nous participions mutuellement à nos manifestations, prenant des photos ou une part directe à l'action. Pendant trois ans, nous avons coproduit une émission sur une radio FM appelée Close Radio. L'idée originale est venue d'un appel que j'ai passé à la station pour me renseigner sur une émission qui diffuserait des sons d'artistes. Quand le directeur m'a dit qu'il n'y en avait pas et m'a demandé si je voulais y consacrer de mon temps, j'ai accepté. Paul en a entendu parler et a voulu participer à l'émission, nous avons alors décidé de la produire ensemble. Lors de la première rencontre, le directeur de la station nous a encouragés à être "professionnels" à l'antenne, arguant que les auditeurs voulaient entendre une "voix d'autorité", ce qui nous a incité à laisser le contrôle total de l'émission entre les mains de personnes qui ne l'avaient jamais eu : artistes, groupes d'action sociale, les auditeurs eux-mêmes, presque toujours des personnes qui avaient peu ou pas d'expérience face à un micro. Nos priorités esthétiques sont évidemment très différentes à présent. Cependant, j'ai appris pas mal de choses de nos expériences communes et je suis heureux d'avoir travaillé avec lui à cette époque.

 

R&C : Dans les années 60, Burroughs a écrit "Révolution électronique" pour proposer des méthodes de contaminations des énoncés sociaux avec de simples magnétophones. L'importance de l'électronique dans tes propres œuvres m'amène à te demander si tu portais de l'intérêt à ces propositions, à l'usage subversif de la technologie ?

 

John DUNCAN : L'idée est intéressante, et des actes délibérément perturbateurs sont parfois nécessaires pour rendre apparente une situation, ou provoquer des changements, mais en général je suis plutôt attiré par une approche plus positive. Au lieu de provoquer la confusion uniquement pour foutre les choses en l'air, ce qui d'après ce que je comprends est plus ou moins ce que Burroughs avait en tête, je préfère la tactique qui consiste à utiliser le sens de la désorientation pour encourager les gens à être plus vigilants d'une certaine façon. Dans un sens, le projet TVC 1 avait cet aspect.

TVC 1 était une télévision pirate qui émettait sans planning fixe sur la fréquence de NHK 1 (télé d'Etat à Tokyo), après la fin des programmes de NHK (toujours peu après minuit). TVC 1 était toujours diffusée sur un canal qui supposé ne plus émettre, vue par des gens qui ne s'attendaient pas à voir autre chose que des parasites. Chaque émission était faite avec un équipement portable que j'installais et utilisais depuis les toits d'immeubles de Tokyo, réglé pour permettre de tout remballer et disparaître avant que la police ne puisse me localiser. Tout, y compris l'émetteur, l'antenne et le magnétoscope, tenait dans une mallette, afin de pouvoir prendre un train de nuit ou un métro sans éveiller les soupçons. Ces émissions eurent lieu à peu près tous les 30 jours, pendant 18 mois environ. Chacune était unique, et atteignait une audience potentielle minimum de 30000 personnes. Le programme consacré à Rudolf Schwarzkogler fut la première occasion de voir son travail au Japon, sans parler du reste de l'Asie. Une autre émission montrait un couple nu, juste après l'amour, dans un hôtel de passe, jouant avec une caméra vidéo qu'ils pensaient être strictement privée. D'autres présentaient de la musique et de la vidéo expérimentales d'artistes japonais (dont O'Nancy in French, deux musiciens qui jouaient sur des barils d'huile amplifiés en provoquant un feedback, et en changeant sa hauteur par de légers contacts du doigt à des points clés des fûts), des vidéos pour adultes, des documentaires. Il était important que les images aient une qualité artisanale, non-professionnelle, pour contraster avec les images high-tech institutionnelles des programmes habituels de NHK. Il était également important que TVC 1 prenne toujours l'antenne quand NHK avait cessé d'émettre, qu'elle n'interrompe jamais les programmes officiels pour offrir quelque chose en plus, plutôt que d'interrompre ce qui était déjà proposé.
 

R&C : Est-il possible d'aborder "Blind date" qui, en 1980, poussait très loin l'engagement corporel d'un artiste dans des pratiques de profanation/purgation du corps et de la société : comment présentais-tu le résultat de cette œuvre et quelles significations lui donnais-tu ?
 

John DUNCAN : Le public était invité dans un petit entrepôt du centre de L.A., une vieille bâtisse triangulaire en briques avec un petit balcon d'un côté, pas de fenêtres ni de chaises, une seule porte. Sur le balcon étaient installés un micro, un magnétophone, un ampli et des haut-parleurs. Quand la porte fut fermée et les lumières éteintes, je décrivais la manière de trouver le cadavre, de pratiquer ensuite une vasectomie, expliquais pourquoi je rendais cette action publique, puis je diffusais l'enregistrement de la séance avec le cadavre. A la fin de la cassette, la porte était rouverte et les gens y voyaient à nouveau pour sortir.

 

R&C : C'était une action plus radicale que la blessure de Chris Burden dans "Shot", car elle t'affectait puissamment, propulsant l'art dans le réel comme une action-limite aux frontières du tolérable dans une société intolérable ! Belle provocation pointant par delà l'esthétique le mal collectif. Es-tu d'accord avec cette interprétation ?

 

John DUNCAN : Je suis d'accord avec le fait que cela montre une vérité sur la société dont il est issu. L'ironie vient du fait, au moins pour moi, que c'est peut-être la moins importante de ses conséquences. Une des choses que "Blind date" avait en commun avec "Shoot" était que les deux événements ont évolués de façon très différente de ce qui était prévu. Burden s'attendait complètement à ce que le tireur le rate, et a été choqué quand il a réalisé qu'il était vraiment blessé. Je m'attendais à rendre visible une réalité sociale unidimensionnelle, et finis par passer un cap qui offre un savoir que je n'avais jamais imaginé.

 

R&C : La présentation du Coum Transmission en 1976 à l'ICA de Los Angeles et le récit qu'en fait G. P. Orridge dans Re-Search pose les limites de l'acceptabilité par la société et le monde de l'art de vraies pratiques de purgations. Il rapporte entre autre que Chris Burden présent aurait déclaré : "ceci n'est pas de l'art, c'est la chose la plus immonde qu'il m'ait été donné de voir, ces gens sont des malades"… Comment fut traité "Blind date" par le public ?

 

John DUNCAN : Avec hostilité, à un degré pour lequel je n'étais absolument pas préparé. Plusieurs de mes plus proches amis tentèrent de me faire extrader vers le Mexique et arrêter pour nécrophilie. Quand cette tentative se révéla légalement indéfendable, ils décidèrent de boycotter toute personne publiant ou montrant mon travail, ce qui le mis effectivement à l'index aux Etats-Unis pendant plusieurs années. Avec d'autres amis, cela créa un sentiment de séparation, un mur qui subsiste encore pour certains. Je me sentais, et j'étais, abandonné par toutes les personnes dont j'étais proche. Certains prétendaient que le cadavre avait été violé, que le fait que le corps soit apparemment mexicain signifiait que mon action était raciste, que le fait qu'il soit féminin signifiait que c'était une action sexiste, etc., etc., une comédie surréaliste. Ce fut une leçon importante. Ça m'a appris que chacun de nous a une limite psychique. Quand quelque chose provoque une perturbation brutale à cette limite et n'a pas de contexte apparent que l'on pourrait utiliser pour "l'encadrer", nous résistons instinctivement. Parce que notre résistance n'est pas raisonnée, toute tentative de l'expliquer logiquement, ou moralement, paraîtra absurde, comme ces assertions de viol, racisme ou sexisme étaient et reste absurdes. En même temps c'est aussi vrai que n'importe quoi d'autre, il est donc aussi absurde de critiquer quelqu'un ayant une telle limite que d'être personnellement ou socialement "déficient". Heureusement ces limites peuvent être élargies ou dépassées de différentes façons, grâce à une palette de moyens dont l'art fait parti. L'acceptation relative de "Blind date" à présent en est juste un des très nombreux exemples, parmi ceux que l'on peut trouver dans l'histoire de l'art. Cette aptitude à ouvrir et développer les esprits est un des éléments qui donnent sa valeur à l'art, le rende valable malgré les dommages psychiques qu'il peut causer au créateur.

 

R&C : Tu évoques longuement Rudolf Schwarzkogler dans une de tes vidéos (cf. "Tokyo ghost broadcast"). C'est un artiste thérapeute me semble-t-il qui concilie la forme et l'informe. L'engagement et la distanciation par sa maîtrise de dispositifs esthétiques très forts ; "If only we could tell you" est un travail de toi qui me fait penser à Schwarzkogler. Une telle œuvre a-t-elle dans ton esprit une fonction curative. Peux-tu en parler ?

 

John DUNCAN : L'art en tant que thérapie était un des enjeux fondamentaux du manifeste que Schwarzkogler a écrit à propos de son approche esthétique. Rudolf Schwarzkogler et Jerzy Grotowsky ont été sans conteste les artistes les plus influents sur mes premiers travaux. Dès le début, j'ai essayé de trouver une façon de créer un événement, ou une expérience artistique, qui se produise simultanément pour chaque participant, créateur et spectateur, et le travail de ces personnes a eu un impact immense et durable.

De manière générale, mon travail à cette époque visait à se concentrer sur une situation sociale et à la rendre visible, en trouvant une façon de la rendre personnelle à chaque spectateur. "If only we could tell you (The black room)" était une installation pour un festival baptisé "Public spirit". L'installation était disposée dans une chambre d'un ancien asile de nuit pour voyageurs nommé l'American Hotel. Toute la pièce était peinte en noir. Le placard était fermé par un cadenas et produisait un bruit continu, horriblement fort, provenant d'une source invisible (une ponceuse électrique fixée sur la porte à l'intérieur). Une feuille dactylographiée était encadrée sur le mur opposé, avec le texte suivant :

Nous te haïssons petit garçon. Nous te haïssons petit garçon. Nous te haïssons petit garçon. Nous te haïssons petit garçon. Nous te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons te haïssons. Nous t'avons vu couvert de notre sang. Nous t'avons débarbouillé, avons enfourné de la bouffe dans ta sale petite gueule. Nous t'avons gardé en vie, petit bâtard ingrat. Nous t'avons donné le sein chaque fois que tu l'as réclamé, sale petite sangsue. Nous t'avons appris tout ce que tu sais. Nous avons toujours su que tu serais ingrat. Nous avons toujours su que tu serais un boulet à demi-humain. Tu es un fléau dans nos vies ; nous sommes fatigués de nous occuper de toi. Répugnant petit corps au sexe offert. Tu es complètement écœurant. Comment peux-tu te supporter ? Tu voles notre air, sale gerbeur de crasse. Regarde le gâchis que tu as fait de tout. Regarde cette horreur totale. Chaque petit détail est de ta faute. Un chien aurait fait mieux. Nous aurions dû mettre un oreiller sur ta tête quand nous en avions l'occasion. Nous avons toujours su que tu serais déficient, une merde rampante, comme tous ceux de ton espèce. Pourquoi ne fais-tu pas plaisir à tout le monde en te suicidant ? Nous aimons un homme en uniforme. Crève, zombie pompeur de sein. Les hommes blessés sont si romantiques. Sors et fais toi péter le crâne, connard. Nous sommes fatigués. Sors et meurs.

CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE CRÈVE

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R&C : Pourquoi et comment abordais-tu, par la suite, la pornographie : pour des raisons personnelles ou en analyste d'un genre à part ? Par exemple dans "Aida Yuki passion" que tu tournes au Japon en 1985 et qui me semble un grand film pornographique sur la pornographie, tu montres l'argent, la violence des rapports sociaux comme terrain du désir et malgré cela le film est bien plus excitant qu'un porno classique soulignant l'ambiguïté et la puissance du champ sexuel. Qu'en penses-tu ?

 

John DUNCAN : L'occasion de le faire a été directement liée à la générosité de Nobuyuki Nakagawa, un pionnier dans l'industrie de la vidéo pour adulte au Japon. Il a fait son premier film porno alors qu'il étudiait la réalisation avec Terayama Shuuji. Quand Kuki, sa maison de production, a eu du succès, Nakagawa s'est aussi intéressé à la production d'œuvresqui s'attachaient aux problèmes sociaux, sous le label B-Sellers. Une des productions de B-Sellers s'appelait "Scene" : une série de photos imprimées de scènes de meurtres extraites des archives de la police ; une autre, "Pleasure-Escape", était un livre-cassette avec un enregistrement de Blind Date et Move Forward, plusieurs de mes collages, une exceptionnelle interview par association de mots japonais-anglais de Hitomi Komukai, et une interview de Paul McCarthy que nous avions réalisée la nuit précédant mon départ de L.A. Tous les produits de B-Sellers étaient vendus partout au Japon dans l'équivalent japonais des Virgin Megastores européens. Nakagawa avait aussi connaissance des collages films et vidéos que je faisais à partir de productions pour adultes, et m'invita, à titre expérimental, à réaliser ma propre série de vidéos pornos. Avec l'assurance que je serais libre d'utiliser (et détourner) le matériel dans des collages vidéos, j'acceptais. Réaliser des pornos commerciaux était très instructif, une très bonne expérience. Il y avait beaucoup plus de contraintes que je ne m'y attendais. Comme les censeurs japonais exigeaient un scénario, j'ai rédigé des scripts narratifs. La plupart des personnes apparaissant dans les films pornos sont de très mauvais comédiens, aussi les scripts laissaient-ils une part d'improvisation aux acteurs, ou ne comportaient simplement pas de dialogue. Manifestement le public exigeait une certaine proportion de nudité et de sexe dans chaque film… une des raisons pour lesquelles les films pornos, et leurs succédanés hollywoodiens, sont si souvent simplistes et linéaires. Apparaître dans une vidéo porno était considéré comme un truc plutôt cool, et attirait des gens de talent. Les directives de censure japonaise exigeant que toute image distincte de pénétration soit occultée, les acteurs n'avaient pas besoin d'avoir de réels rapports sexuels. Une des actrices aimait réellement tout le monde sur le tournage et avait un charisme sensuel qui transparaît dans chaque scène ; une autre était une pilote automobile professionnelle qui utilisait ses cachets pour payer ses pièces détachées, etc. Un de mes acteurs préférés, un homme d'une cinquantaine d'années incroyablement doux et chaleureux, se sentait physiquement menacé par tout contact physique avec une femme et ne pouvait avoir d'érection qu'en regardant des pornos non censurés sur une télé. Autant que je sache, la partie production du porno échappait à l'influence des yakuzas. Plusieurs des techniciens de l'équipe étaient des étudiants en cinéma diplômés qui n'avaient pas pu pénétrer dans la hiérarchie du milieu, aussi la qualité des images, de la lumière et des effets spéciaux, était-elle toujours assez élevée.

J'ai toujours pensé que la pornographie est intéressante parce qu'elle agit comme un miroir, accentue les caractéristiques sociales que les gens préfèrent occulter et refuser en eux. Faire ces films permettait de jouer avec ça, de pratiquer une critique sociale volontaire, de présenter les femmes dans des positions de contrôle ou de pouvoir qui leurs sont refusées là-bas. C'était également une chance d'encourager les acteurs à faire des choses dont ils avaient envie, mais qu'ils ne réalisaient pas habituellement.

 

R&C : Malgré la multiplicité de tes projets, le son n'est jamais délaissé. Tu l'as toujours pratiqué en priorité lui donnant un statut spécifique dans ton travail.

 

John DUNCAN : Oui. Pour une raison ou pour une autre, le son a tendance à se développer en dehors de tout concept ou structure que j'essaie de lui imposer, plus que mon travail visuel. Le son est presque toujours séduisant, une qualité que j'apprécie beaucoup.

 

R&C : Proche du fantastique LAFMS, tu as aussi collaboré avec Cosey Fanni Tutti du Coum Transmission dans "Kokka" et avec Andrew Mc Kenzie dans"Contact". Parle nous de ces collaborations historiques et en général de l'intérêt que tu portes à ce type de travail avec d'autres musiciens ?

 

John DUNCAN : En général je préfère travailler avec des personnes qui savent ce qu'elles attendent de leur travail, qui ont une notion de ce qu'elles veulent et ne veulent pas entendre, ne sont pas restreintes par une formation musicale conventionnelle pour approcher l'essence du son et jouer avec. Beaucoup ne se considèrent pas elles-mêmes comme musiciennes. Kokka a été réalisé sur un 2 pistes à bandes, par courrier. C'étaient pratiquement mes premiers enregistrements d'ondes courtes, enregistrés sur un canal. Ensuite j'expédiais la bande à Cosey et Chris pour qu'ils enregistrent leur partie sur l'autre canal. Ils m'ont renvoyé la bande juste avant mon départ pour Tokyo, et le disque est sorti au Japon.

Pour enregistrer "Contact", Andrew et moi sommes allés dans des grottes en Belgique et près de l'émetteur d'ondes courtes de NOS en Hollande pour faire des enregistrements DAT sur le terrain. Nous avons ajouté sur place une source d'ondes courtes que j'avais faite, l'un de nous enregistrant l'ambiance sonore pendant que l'autre diffusait ces sources via un radiocassette, le tenant au-dessus de nos tête et se déplaçant en cercles, s'éloignant et se rapprochant du microphone. Ensuite nous avons ajouté des enregistrements ambiants des machines de nos studios respectifs. Puis Andrew a réalisé une série d'enregistrements "par rebonds" à la Alvin Lucier (on enregistre, puis on enregistre la diffusion de cet enregistrement, puis on enregistre la diffusion de la diffusion, etc.) à partir de son matériel.

 

R&C : La nature du son est à la fois immédiate, sensorielle et abstraite rendant aléatoire toute signification. Or la psychoacoustique tente une approche phénoménologique du son qui infirme ces idées. Est-ce que cela t'intéresse et joue un rôle dans ta pratique.

 

John DUNCAN : Dans la mesure où nous utilisons les mêmes outils et techniques, oui je pense que c'est intéressant. Nos différences commencent avec le fait que pour de nombreuses personnes travaillant sur la psychoacoustique et l'acoustique en salles, l'approche phénoménologique est une fin en soi. Mes expériences ont clairement fait apparaître que ce n'est qu'un début, juste un prémisse, aussi je suis plus intéressé par ce qui se passe dans l'esprit de l'auditeur quand ces techniques sont mises en œuvre, et par la façon dont je peux développer cela.

 

R&C : Ici, je pense à "Ceremony", sur "Incoming" où un cri de porc précède la rumeur d'un stade de football ou encore à la présence de râles de jouissance dans "Klaar". Tous ces éléments produisent du sens. Est-ce ton intention ?
 

John DUNCAN : Tout à fait.

 

R&C : Dans la volonté universelle d'associer le son aux rituels de la vie, on trouvait la transe et des activités quotidiennes comme la chasse ou la cueillette : du son naissait des langages et des actes. maintenant la musique est partout le décor de pauvres rituels comme consommer et attendre. L'auditeur devient soumis et passif. Es-tu sensible à la destination de ta musique et à son statut en général aujourd'hui ?

 

John DUNCAN : Il est vrai que beaucoup de rituels sacrés incluant le son, et l'attention particulière que l'auditeur est éduqué à lui accorder, ont disparu de nos vies ; en fait la majeure partie du sacré lui-même a disparu … ou paraît avoir été perdu. Et il est vrai que les médias tendent à rendre toute musique superficielle et triviale, poussant les auditeurs à devenir cyniques, à ricaner aux idées de sacré et de beauté. Mais, tôt ou tard, ce désabusement lui-même devient ennuyeux, et encourage la recherche d'expériences qui touchent quelque chose au plus profond de nous. Heureusement cette envie permet de trouver, d'entendre et d'être inspiré par n'importe quelle forme de son enregistré.

Certaines formes de musiques qui, quelques générations auparavant seulement, n'étaient connues que d'un petit noyau d'ethnomusicologues - quand elles étaient considérées en tant que "musique" - sont maintenant accessibles à toute personne possédant un enregistrement écoutable et un appareil pour le diffuser. Chacun peut écouter et comparer des idées sonores qui couvrent des années, des décennies, des siècles… un extrait solo a capella d'une pièce peut conduire à Carlo Gesualdo, à Nico, à Keiji Haino, à l' "Ur Sonata" de Kurt Schwitters, aux expérimentations sur bandes de William Burroughs, aux Shaggs, à Florence Foster Jenkins, aux chants cérémoniels albanais, aux psalmodies des pêcheurs algériens, au chant de gorge inuit, etc., etc. Cette accessibilité encourage également les gens à produire leur propres enregistrements, à chercher eux-mêmes où est le son, ce qu'est la musique - une des nombreuses choses qui rendent notre époque passionnante à vivre. A cette disponibilité s'ajoute le fait que beaucoup d'entre nous sommes dépendant d'une machine pour entendre, pour réécouter ce que nous avons produit. Souvent nous n'accordons de valeur au son que s'il peut être enregistré et diffusé pour les autres, ce qui montre à nouveau combien l'auditeur est devenu essentiel en tant que participe actif dans tous les genres musicaux.

Dans mon cas, l'art ou les "expériences créatives" (art est plus simple à écrire) sont au fond un moyen d'entrer en contact avec quelque chose en moi et de l'examiner. Mes performances et manifestations impliquent la participation directe d'autres personnes, souvent avec, parfois sans leur assentiment. Les installations sont conçues pour que les visiteurs soient seuls en eux-mêmes, qu'ils aient des instants d'intimité dans une atmosphère expressément chargée. L'œuvre sonore est composée en sélectionnant et combinant les sources selon les effets psychologiques qu'elles génèrent, plutôt que la façon dont elles fonctionnent "en tant que musique". Tout cela est fait pour encourager les participants à accorder toute leur attention, à se concentrer sur l'expérience s'ils sont prêts à le faire. De plus l'œuvre est autonome, de manière à être appréhendée pour elle-même. C'est aux participants de décider de la façon dont elle doit être acceptée et interprétée, et c'est très utile : en partie pour voir précisément ce que la pièce transmet aux autres qu'elle m'a transmis, en partie pour entendre des réactions que je n'aurais jamais pu imaginer.

Les sources sonores avec lesquelles je travaille habituellement sont choisies pour leur caractère insaisissable, pour une nature qui évite le timbre immédiatement reconnaissable d'un instrument traditionnel, et les associations d'idées qui l'accompagnent généralement. Onde courte. Parasite radio. Fichiers de données. Les exceptions restent les enregistrements de terrain et la voix humaine, parce qu'ils sont à la fois très riches et complexes. En ce moment, je travaille souvent sur la direction de voix d'enfants, chuchotant, jouant, criants, de la voix solo à la chorale de 30 voix. Une autre exception récente a été une série de performances scéniques au cours desquelles je dirigeais Zeitkratzer, dix musiciens qui jouent des instruments orchestraux de façon non traditionnelle pour en tirer des sons différents de ceux qu'ils produisent normalement.

Un autre de mes centres d'intérêt est l'arène du temps dans une expérience sonore, l'attente par l'auditeur dela musique comme "concert", avec un début, un développement et un final. Les installations de Hall of words", "The flocking" (avec le chœur de 30 voix d'enfants) et "Access denied", sont toutes des exemples d'un environnement uniquement sonore qui conserve le sens dramatique d'un concert tout en changeant constamment ; vous pouvez y pénétrer, les traverser, les quitter et y pénétrer à nouveau, ou y rester aussi longtemps que vous le désirez (sauf pour "Access denied", où l'auditeur est délibérément exclu de l'espace sonore), et vous entendrez toujours quelque chose de différent. Cela fonctionne comme le fait la musique, et vous laisse libre de décider de votre temps d'écoute, de définir l'expérience comme vous le voulez. Que l'une d'entre elles soit jamais utilisée pour apaiser des voyageurs, vendre des tampons ou tranquilliser les clients d'un supermarché, est laissé au choix de chacun.

 

R&C : Je remarque que beaucoup de tes travaux sont ponctués de sons concrets, sexuels en particulier, corrodés, rongés par la marée des fréquences. Cette cohabitation par exemple de râles incroyables, tout au long de "Move forward", et des ondes courtes de plus en plus excitées, crée une tension dialectique, un effet de choc entre deux mondes éloignés ; peux-tu éclaircir tes intentions ?

 

John DUNCAN : "Move forward" était conçue pour être une sorte de miroir. Ça débute avec la bande son diffusée dans la totale obscurité. Les bruits viennent de l'enregistrement de signaux en ondes courtes, des fréquences spécifiques émises par des stations soviétiques prévues pour désorienter psychologiquement les auditeurs. Le film démarre au bout de dix minutes environ, un collage de diagrammes détaillants une explosion nucléaire tirés de revues scientifiques, des cut-ups rapides de publicités grand public, des images pornographiques soft et hard d'adultes et d'enfants, tout cela conçu comme un reflet de notre situation sociale, et projetés sur un grand écran de papier. Les toutes dernières minutes proviennent d'émissions en ondes courtes et de discours enregistrés à Jonestown, Guyana : leur dernière communication radio, la voix de Jim Jones résonnant à travers le micro du hall de réunion. Pendant qu'on entendait cela, je mettais le feu à l'écran, puis vaporisais les débris de papier enflammé dans le public avec un extincteur.

 

R&C : Tes récents travaux semblent se détacher de toutes références extérieures identifiables. Y-a-t-il une volonté délibérée d'aller dans ce sens ?

 

John DUNCAN : Tout à fait. L'idée est d'échapper aux références mémorielles et émotionnelles inhérentes au son des instruments traditionnels (la nature mélancolique du violon, par exemple) et de se concentrer sur les sons, les combinaisons de fréquences qui affectent nos émotions sans point de référence que nous pourrions facilement utiliser pour en repousser les effets.

 

R&C : Par exemple "Tap infernal" est très abstrait, purifié par l'érosion, avec des trouées de violence et des zones au seuil de notre perception. "Crackling" évoque quant à lui l'atome, une haute énergie pourtant invisible. D'une façon générale, le son de ces disques semble suggérer qu'une substitution spectrale du son comme corps a eu lieu, que la régénération de la vie est possible dans sa matière rayonnante.

 

John DUNCAN : Cela fait partie de ce que je cherchais, et faisait sans aucun doute partie du processus d'élaboration de ces pièces.

 

R&C : Techniquement comment élabores-tu ta musique ? Il me semble que c'est une partie indissociable de l'essence d'un travail. A ce titre, tu utilises apparemment beaucoup d'oscillateurs dans tes récents travaux or l'oscillation est au cœur des recherches sur les phénomènes déterministes à l'œuvre dans les processus chaotiques. Quel est ton rapport intime au son ?

 

John DUNCAN : Jusqu'à présent je n'avais jamais utilisé d'oscillateur. "Tap infernal" et "Palace of mind" sont principalement issues de fichiers de données d'ordinateur, convertissant les documents et les programmes en fichiers sons et les traitants jusqu'à ce que le son qu'ils rejouent crée certains effets acoustiques ou psychologiques, avec l'idée d'encourager l'introspection. Du moins c'est ce qu'elles produisent sur moi. A nouveau, l'accent est mis sur l'auditeur, et pas sur le procédé de création sonore lui-même.

 

R&C : Le titre somptueux d'un de tes derniers disques en collaboration avec Giuliana Stéphani, "Palace of mind" est-il une invitation à considérer l'esprit comme un lieu hors du temps, du périssable de la souffrance, ou dit par Coil "Electricity has made angels of us all", une invitation à se passer dans les flammes pour se décrasser de l'inutile ?

 

John DUNCAN : Je ne suis pas sur de ce que vous entendez par vous purger de l'inutile. Si vous voulez dire vous débarrasser des choses inutiles, alors vous avez raison, merci de l'avoir remarqué. En plus de sa fonction musicale, "Palace of mind" est faite pour être une sorte d'outil, une tentative d'entraîner l'auditeur à regarder en lui ou en elle.

 

R&C : Quels sont tes projets à venir ?

 

John DUNCAN : En 2002, des concerts en Scandinavie et en Europe ; "Fresh", un CD avec Zeitkratzer (publié par Allquestions et X-tract), "Infrasound-Tidal", un CD avec Densil Cabrera basé sur des données barométriques, sismiques et marégraphiques, "Vox" avec Elliott Sharp et des projets de CD avec Carl Michael von Hausswolff, Graham Lewis, Jim O'Rourke et Asmus Tietchens (tous à paraître chez Allquestions). Des installations : une tour sonore de 80 mètres de haut à Slussen à Stockholm avec Carl Michael von Hausswolff, "The flocking" installation au Marché aux Poissons de Venise. En 2003, une exposition rétrospective qui débutera en mai à la Fürgfabriken de Stockholm.

 

R&D : Pratiques-tu encore les arts plastiques et si oui quelles directions prends-tu en ce domaine ? Par ailleurs, veux-tu évoquer certains travaux récents ou anciens que nous n'avons pas abordés ?

 

John DUNCAN : J'ai produit des œuvres visuelles à L.A. comprenant plusieurs vidéos, des installations dont The black room et un labyrinthe, nommé Desert Landmark, que j'ai planté dans le désert Mojave avec trois graines d'arbres de Josué. Au Japon, j'ai fait des collages et des vidéos qui ont été présentés dans des galeries de Tokyo et au musée de Yokohama. J'ai coédité un magazine, "Performance of war" avec Sakevi comme rédacteur en chef, dans lequel nous avons interviewé le représentant de Tokyo au PLO, l'Examinateur Médical en chef de Tokyo, des personnes internées au Tokyo Seishin Byouin (le principal hôpital psychiatrique), sur le thème de la mort, et présenté les travaux de Joe Potts et de Paul McCarthy (sa première couverture médiatique au Japon). J'ai fait plusieurs vidéos et films, dont "Move forward" que nous avons déjà évoqué. J'ai réalisé, écrit, joué la comédie et composé des bandes-son pour une série de vidéos pour adultes produites et distribuées commercialement, et fait fonctionner TVC 1, une série de programmes télé pirates à partir d'un matériel émetteur que j'ai fabriqué. A Amsterdam, j'ai fait des films qui ont été programmés sur Rabotnik TV et à la Télévision d'Etat Moscovite en Russie. "Kick", une performance basée sur un exercice respiratoire utilisé dans la thérapie reichienne, a été présentée en Europe, au Japon, en Scandinavie et aux USA.

 

R&D : D'où tires-tu l'énergie d'abattre une telle somme de travail ?

 

John DUNCAN : Du travail lui-même, de l'excitation d'être une partie du processus.

 

R&D : En dépit de la qualité de tes propositions, très peu de personnes s'y intéressent. N'est-ce pas décourageant, voir une lutte pour la vie qu'impose la culture mainstream ?

 

John DUNCAN : Non, pas du tout.

 

R&D : Est-ce en rapport avec tes changements de pays : Usa, Japon, Europe ? Un vrai tour d'horizon sur la carte de l'occidental way of life.

 

John DUNCAN : Inévitablement le lieu où vous vivez aura ses influences, mais je n'ai jamais choisi volontairement un endroit en raison de son atmosphère. Il est vrai qu'après "Blind date" le départ pour Tokyo était délibéré : j'avais besoin de m'éloigner de tout ce que je connaissais, d'être quelque part où je ne pourrais rien comprendre, oral ou écrit, où je ne pourrais parler à personne. De plus le choix de Tokyo est dû plus ou moins au hasard et à l'exceptionnelle générosité de mes amis là-bas. Les départs pour Amsterdam et l'Italie se sont fait de la même manière, simplement en acceptant des situations qui se présentaient.

 
 
 

Discographie

 

2001

"Nav" double CD FJohn Duncan et Francisco López. Absolute / Allquestions

"Palace of mind" avec Giuliana Stefani. Allquestions

 

2000

"Tap internal", Touch

 

1998

"Seek", Staalplaat Mort aux vaches

"The Elgaland/Vargaland National Anthem" avec Zbigniew Karkowski, 45 tours, Die Stadt.

"Crucible", Die Stadt, Germany.

 

1997

"The John See soundtracks" (bande son de "Move Forward". RRRecords

"Split second" sur "Tulpas", Selektion

 

1996

"Home : unspeakable" avec Bernhard Günter. Trente Oiseaux

"The crackling" avec Max Springer et Benzine. Trente Oiseaux

"Charge field" sur compilation "Antiphony", Ash International

"Change" sur compilation "The Mind of a Missile", Heel Stone

"Trinity" sur compilation "A Fault In The Nothing", Ash International

"Hymn" sur compilation "State of the Union", Atavistic

"The Ruud E. memorial choir / Psychonaut", LP, Robot Records

 

1995

"Incoming", Streamline

 

1994

"The John See soundtracks", LP,RRRecords

"Send", Touch

"River in flames / Klaar", double CD, Staalplaat, NL.

 

1993

"Chapel Perilous" et "Kick" sur compilation "Anckarstrom Live", Staalplaat

 

1990

"Dark market Broadcast", Staalplaat"

Mirror pulse", Extreme

"Riot / Brutal birthday soundtrack", Dark Vinyl

"Contact" Touch

 

1988-1989

"Radio code", cassette, AQM

 

1985

"Dark market Broadcast", cassette, Cause & Effect

"Purge" sur compilation "Journey Into Pain 4", cassette, Beast 666

"Riposte" sur compilation "Morality", cassette, Broken Flag

"Probe" sur compilation "Assemblee Generale 4", cassette, PPP

 

1984

"Riot", LP, AQM

"Pleasure - Escape" avec Hitomi Komukai, B-Sellers

 

1983

"Kokka" avec Cosey Fanni-Tutti et Chris Carter, AQM

 

1980

"Creed", 45 tours, AQM

 

1979

"Organic", LP, AQM

 

1978

"Station event" avec Tom Recchion et Michael LeDonne-Bhennet, cassette, AQM

"No", cassette, AQM

"Naked - Sea chanty" avec Michael LeDonne-Bhennet, Dennis Duck, Paul McCarthy, Fredrik Nilsen et Tom Recchion, sur "L.A.F.M.S." 11-CD box, RRRecords.

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